← Retour

Histoire des légumes

16px
100%

PÉ-TSAÏ OU CHOU DE CHINE

(Brassica chinensis L.)

Pé-tsaï, mot chinois qui peut se traduire par légume blanc. Le Pé-tsaï est une plante potagère annuelle d’un grand usage dans tout l’Extrême-Orient, Chine, Japon, Indo-Chine. Il est mentionné dans les ouvrages chinois sur l’agriculture des XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles[94].

[94] Bretschneider, Bot. Sin. 59, 78, 83, 85.

Quoique appartenant au genre Brassica, de la famille des Crucifères, le Chou de Chine diffère beaucoup de nos Choux européens. Il se rapproche des Moutardes (Sinapis). Des deux variétés principales introduites dans les cultures européennes, l’une, le Pé-tsaï a plutôt l’aspect d’une Laitue romaine. Le Pak-Choï ressemble à une Carde-Poirée. La saveur douce de ce légume rappelle un peu celle de la Chicorée cuite.

Le Chou de Chine n’a guère d’histoire ; son introduction en Europe est récente.

Dès le XVIIIe siècle, les missionnaires avaient signalé l’importance de sa culture dans l’Empire chinois. Il figurait depuis une dizaine d’années au Jardin du Roi, à titre de plante botanique, lorsqu’en 1836 les missionnaires envoyèrent des graines de Pé-tsaï au R. P. Voisin, supérieur des Missions étrangères à Paris, qui s’empressa de les communiquer à M. Vilmorin.

Le 22 novembre 1837, à la séance de la Société royale d’Horticulture, M. Vilmorin déposa sur le Bureau deux premiers pieds de Pé-tsaï provenant de ses cultures.

De 1837 à 1840, une notice de M. Ducros de Sixt, avocat à la cour royale, plusieurs notes ou rapports de Pépin, Bossin, Poiteau, Mérat[95], montrent que l’on expérimentait le Pé-tsaï comme plante culinaire nouvelle et que les résultats de la culture étaient peu satisfaisants. Semée au printemps ou en été, la plante montait à graines à la troisième ou quatrième feuille. Le semis au mois d’août, grâce à la végétation extraordinairement rapide du Chou de Chine, permettait d’obtenir une plante bien développée en octobre et novembre, à un moment où d’autres légumes préférables sont abondants. Pour plier le Pé-tsaï à nos exigences, Pépin, jardinier-chef du Jardin du Roi, fit de nombreuses tentatives infructueuses qu’il a consignées dans un intéressant mémoire[96].

[95] Annales Soc. roy. d’Hortic. vol. XXIII, pp. 105, 154, 156, 159, 229.

[96] Loc. cit., t. XXVI, p. 18.

En 1847, le Pé-tsaï était encore en observation au Jardin d’expériences de la Société royale d’Horticulture. Un rapport dit : « Nous continuons à essayer de faire pommer le Pé-tsaï, ce Chou blond apporté de Chine il y a quelques années quoiqu’il ne paraisse guère se prêter à acquérir cette propriété[97] ».

[97] Annales Soc. roy. d’Hortic. 1847, p. 677.

Comme on le voit, dix ans après son introduction, le Chou de Chine n’était pas encore devenu un légume de marché, contrairement aux espérances qu’il avait fait naître d’abord. Finalement on abandonna à peu près cette plante exotique. Quelques amateurs, sous le second Empire, M. Vavin, de Bessancourt, notamment, présentaient parfois comme légume curieux, à la Société centrale d’Horticulture, des échantillons de Pé-tsaï et de Chou de Chang-ton, autre variété du Chou de Chine. Ce Chou rentrait dans la catégorie des plantes alimentaires qu’expérimentèrent à Crosnes, MM. Paillieux et Bois, de 1875 à 1899. Déconseillant la culture estivale qui ne pouvait donner aucun résultat sous le ciel européen, ils estimaient que Roscoff, Cavaillon, Hyères, se prêteraient à la production hivernale du Chou de Chine qui pourrait peut-être prendre à Paris une place importante dans l’alimentation à un moment où l’on manque de légumes frais[98].

[98] Potager d’un Curieux, 3e éd. p. 475.

L’un des auteurs du Potager d’un Curieux, M. D. Bois, assistant au Muséum, devait faire une réintroduction du Pé-tsaï, à son retour d’une mission scientifique en Extrême-Orient (1902-1903). Ayant rapporté des graines choisies parmi les meilleures variétés de Pé-tsaï cultivées au Tonkin, il pensa que l’on ferait bien, malgré les échecs antérieurs, de tenter une fois de plus la domestication de ce légume méritant. Il confia dans ce but des graines à un intelligent maraîcher parisien, M. Curé, lequel employa les procédés connus des praticiens pour empêcher ou retarder la montée à graines de certains légumes et qui consistent principalement à semer sur couche très chaude.

A la séance du 13 octobre 1904, de la Société nationale d’Horticulture de France, M. Curé présentait un pied de Pé-tsaï pesant 3 kil. 500, très bien pommé, provenant d’un semis fait le 10 juillet. La plante eut un commencement de vogue à la suite d’articles élogieux parus dans la presse horticole et dans la grande presse. Pendant quelque temps des maraîchers en apportèrent aux Halles, mais la faveur d’un début heureux ne s’est pas continuée pour le Pé-tsaï. Le moment où ce légume sera recherché par le public français n’est pas encore venu.

Chargement de la publicité...