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Histoire des légumes

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POURPIER

(Portulaca oleracea L.)

On emploie les feuilles et les tendres sommités du Pourpier comme légume cuit, succédané de l’Oseille et de l’Epinard, ou pour manger cru en salade, mais c’est une herbe potagère de plus en plus délaissée.

Cette plante, à tiges et à feuilles très charnues, est répandue dans le monde entier. Naturalisée autour des lieux habités, elle pullule partout comme une mauvaise herbe. Son habitat primitif paraît être les régions orientales. De Candolle dit que les documents linguistiques et botaniques concourent à faire regarder l’espèce comme originaire de toute la région qui s’étend de l’Himalaya occidental à la Russie méridionale et à la Grèce[148]. Le Pourpier paraît aussi spontané en Amérique. Du moins les premiers explorateurs ont vu cette herbe sur les côtes américaines dès les premiers temps de la découverte du Nouveau Monde[149]. La culture, ou au moins l’emploi alimentaire du Pourpier, remonte aux temps les plus reculés. C’était l’Andrachne des Grecs[150]. La plante était connue d’Hippocrate, de Théophraste et de Dioscoride. Galien, médecin grec, ne l’estimait pas. Les Romains cultivaient le Pourpier qu’ils appelaient Portulaca[151].

[148] Orig. des pl. cultivées, 4e éd., p. 70.

[149] Am. Journal of Sciences, 1883, p. 253.

[150] Fraas, Synopsis, p. 109.

[151] Pline XIX, 56. — Columelle X, 351.

Au moyen âge on voit cette herbe très en faveur auprès des Arabes. Légume béni, légume émollient, tels sont les qualificatifs que lui donne Ibn-el-Beïthar[152].

[152] Notices et Extraits des Manuscrits, t. XXIII, p. 224.

Albert le Grand, au XIIIe siècle, mentionne seulement la plante sauvage, qui a les tiges rampantes. Au XIVe siècle les textes des archives montrent le Pourpier cultivé même dans les jardins princiers[153]. Les paysans se contentaient sans doute de le ramasser autour de leurs demeures comme ils le font encore aujourd’hui. On le connaissait alors sous les noms de porcelaine, pourcelaine, porchaille, poulpié, porpié. Porcelaine a été conservé dans l’anglais purslane. Porchaille peut venir de ce que la plante est un excellent aliment pour les porcs. Poulpié ou Poulpied équivaut à pied de poulet, en latin pullipedem. En Anjou, piépou, parce que les organes de la fleur rappellent la trace laissée sur le sable par la patte du poulet. D’après le Glossaire de Tours, piethpuel était le nom roman ou vulgaire du Pourpier au XIIe siècle.

[153] Arch. Côte-d’Or, série B. 5756.

Le Pourpier, à l’état sauvage ou subspontané a les tiges rampantes ; la plante cultivée diffère en ce qu’elle a les tiges érigées. Ruellius, au XVIe siècle, connaissait une variété améliorée à tiges érigées. Dalechamps cite également le Pourpier sauvage et la race des jardins et ces deux botanistes signalent la coutume de mettre le Pourpier en compote pour en faire une salade d’hiver. Ce Pourpier confit se préparait dans un baril avec du verjus, sel, vinaigre et Fenouil vert.

Ecoutez ce cri de Paris que nous trouvons dans une plaquette intitulée : Les cent et sept cris que l’on crie journellement à Paris, par Antoine Truquet (1545) :

A mon beau pourpié !
Ne trouveray-je point quelque sire
Pour en acheter pour confire ?
Tout en est beau jusques aux piedz.

D’après le médecin Andry, c’était un plat de carême : « On fait avec le pourpier et la percepierre des compotes au sel et au vinaigre, fort usitées en carême »[154].

[154] Traité des aliments de Caresme (1713), t. I, p. 175.

Au XVIIe siècle, le Pourpier était une plante potagère de premier ordre. Le Jardinier françois (1651) recommande d’en faire des semis tous les mois afin d’avoir toujours ce légume jeune et tendre. La Quintinie forçait le Pourpier pour la table de Louis XIV, et si Boileau a fait figurer cette herbe dans son Repas ridicule, c’est sans doute parce que la salade de Pourpier était très usuelle[155].

[155] Satire III (1665).

Nous cultivons dans les jardins modernes deux variétés de Pourpier : une variété verte, évidemment la plus ancienne, et un Pourpier doré à larges feuilles. Cette race à feuilles jaunâtres, préférables pour l’usage culinaire, était inconnue à Bauhin qui n’en parle ni dans le Phytopinax de 1596, ni dans le Pinax de 1623. Le Jardinier françois (1651) cite pour la première fois, croyons-nous, le nom du Pourpier doré « qui est, dit-il, le plus délicat, naguère apporté des îles de Saint-Christophe ». L’amphitryon, dont Boileau dans sa troisième satire, critique si agréablement le luxe mesquin et les prétentions ridicules, avait cru devoir offrir à ses hôtes une salade de Pourpier jaune, c’est-à-dire de Pourpier doré, seule variété digne de figurer dans un repas d’apparat.

En 1840, les maraîchers apportaient encore aux Halles de Paris une petite quantité de Pourpier « pour agrémenter la salade[156] ». Ils ont aujourd’hui complètement abandonné cette culture. Il arrive seulement aux Halles un peu de Pourpier sauvage ramassé par de pauvres gens dans les vignes ou les champs cultivés de la banlieue parisienne.

[156] Moreau et Daverne, Manuel, p. 273.

Dans le Nord de la France, on utilise encore assez cette herbe en potages ou comme légume cuit au jus. Le Centre et le Midi paraissent plutôt consommer le Pourpier en salade.

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