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Histoire des légumes

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PIMENT ANNUEL

(Capsicum annuum L.)

Plante herbacée annuelle appartenant à la famille des Solanées. Le fruit, qui est une baie, tantôt sèche, tantôt un peu pulpeuse, fournit un condiment usité en certains pays. On ne fait une grande consommation des Piments que dans les pays chauds, en Italie, en Espagne, dans les deux Amériques. Chez nous, c’est un assaisonnement peu employé. On voit quelques pieds de Capsicum dans les potagers bourgeois plutôt comme plante curieuse, à cause de ses jolis fruits.

Il existe pour cette plante plusieurs synonymes comme Poivre d’Inde, Poivre du Brésil ou de Guinée, Poivre long, Poivron, qui indiquent une origine étrangère peu ancienne et surtout la ressemblance de saveur avec le Poivre. Corail des jardins rappelle le coloris des baies reluisantes des variétés les plus cultivées.

Les variétés de Piment sont innombrables. Il en est à fruits rouges, jaunes, violets, de forme très variable. Certaines contiennent un principe actif spécial, de nature chimique, nommé capsicine, dont l’action sur l’estomac est fort stimulante. Ce sont les Piments condimentaires. Quant aux Piments doux, variétés horticoles à gros fruits un peu charnus, la disparition de la capsicine, résultat de la culture, permet de les employer comme fruits légumiers, au même titre que les Tomates et les Aubergines.

Le Capsicum annuum était inconnu dans l’Ancien Monde avant la découverte de l’Amérique. La Guyane est probablement son pays d’origine, car à l’époque de la découverte, les Indiens d’Amérique cultivaient les Piments, depuis le Chili jusqu’au Mexique, sous des noms dont les radicaux se retrouvent dans les langues caraïbes. Toutefois la plante n’a pas été trouvée à l’état sauvage. C’est là un indice d’une culture très ancienne.

Les Piments étaient d’un usage général chez les Indiens, comme le constate Bancroft, l’historien des races humaines du Nouveau Monde[549]. Un ancien auteur, Sahagun, cite chez les Aztèques, le Chili, un des noms vernaculaires du Piment, plus fréquemment que les autres herbes comestibles[550]. Veytia dit que les Olmèques cultivaient le Chili ou Chilli plus anciennement que les Toltèques et l’on sait que ces peuples ont précédé les Aztèques au Mexique. Le jésuite espagnol d’Acosta dit dans son Histoire naturelle et morale des Indes (1590) que le Piment est le principal assaisonnement des Indiens et leur seule épice. Ceci explique pourquoi les Espagnols, frappés de ce fait, ont signalé cette plante condimentaire dès le premier moment de la découverte du Nouveau Monde, témoins une lettre de Peter Martyr, de septembre 1493, dans laquelle il dit que Colomb rapporta en Europe un Poivre d’une saveur plus brûlante que le Poivre ordinaire. Le Piment est encore mentionné comme condiment par Chanca, médecin de la flotte de Colomb, lorsqu’il fit son second voyage aux Indes occidentales, dans une lettre adressée en 1494 au Chapitre de Séville[551].

[549] Native races, t. I, p. 624, 653 ; t. II, p. 455.

[550] Historia general de las cosas de nueva España.

[551] Sturtevant, The American Naturalist, t. XXIV, p. 151.

Déjà, en 1506, le botaniste Valerius Cordus (Hist. plant. lib. I, c. VII) décrivait très exactement le Capsicum, mais sans indiquer le pays d’origine de la plante. Les Piments sont ensuite particulièrement décrits par Oviedo qui arriva dans l’Amérique tropicale espagnole en 1514. La plante fut importée en Europe vers cette date.

Au milieu du XVIe siècle, le Piment était cultivé comme plante curieuse un peu partout. Dodoens dit qu’en Belgique on le voit aux jardins des herboristes qui le tiennent dans des pots de terre.

L’allemand Tragus prétend que le Piment pousse en Portugal, dans l’Inde et en Afrique et qu’il a été importé en Europe par des navigateurs. Il ajoute que les fruits sont des siliques[552] à couleur d’abord verte finissant par devenir rouge comme du corail. Il dit qu’on a dénommé cette plante Poivre d’Allemagne (Piper Germaniæ) et que ce n’est ni le Poivre blanc, ni le Poivre noir, mais une variété de végétal dont les fruits possèdent la forte saveur du Poivre[553].

[552] D’où le nom Capsicum, capsa, boîte.

[553] Guillard, Les Piments des Solanées, p. 5.

Léonard Fuchs assimile la plante nouvelle à un Poivre indéterminable des Anciens, nommé Piperitis et par Pline Siliquastrum, en raison des grandes siliques qu’il produit. Ce botaniste dit qu’on trouvait le Siliquastre (c’est-à-dire le Piment) dans toute l’Allemagne où il était d’importation récente et peu répandu. Lui-même ne devait pas connaître la plante, puisqu’il a figuré le fruit comme une capsule déhiscente à l’extrémité. Il nous apprend que de son temps (1542) on connaissait quatre espèces de Siliquastre : le grand, le petit, le long et le large Siliquastre. Or ces quatre espèces constituaient déjà quatre des principales variétés de Piments actuellement connus[554].

[554] loc. cit. p. 6.

Le Portugal, l’Espagne et l’Italie ont cultivé le Piment beaucoup plus tôt. En effet, Matthiole, au milieu du XVIe siècle, parlant du Poivre d’Inde, dit que de son temps il était commun partout en Italie ; il indique trois variétés. Soderini également en parle comme d’une chose vulgaire[555].

[555] Targioni, Cenni storici, 2e éd. p. 39.

On trouve le Piment dans l’ouvrage de Camerarius (1586) sous le nom de Piper indicum. Dalechamps (1587) a donné 4 figures de Poivre d’Inde, puis vint Clusius (1600) qui donne aussi la description de plusieurs Poivres américains. Il dit que la plante a été transportée du Brésil aux Indes par les Portugais, qu’elle est arrivée en Angleterre en 1548. Hortus Eystettensis, de Besler (1613), montre quelques variétés nouvellement introduites, entre autres le Piment Cerise (Capsicum cerasiforme).

En somme, comme nous l’avons fait entrevoir plus haut, aucune forme actuelle ne paraît être de création récente. Tous nos types de Piments devaient exister dans les anciennes cultures américaines.

Les Portugais et les Espagnols, propagateurs des Capsicum, ont les premiers appelé ces plantes Pimento, Pimiento du Brésil, c’est-à-dire Poivre du Brésil. D’après le Glossaire de Ducange, Pimienta, chez les Espagnols, c’est le Poivre.

Piment dérive du latin pigmentum, matière colorante, et nous avons conservé le sens primitif dans le français pigment, orpiment (sulfure jaune d’arsenic ou réalgar), Orpin, plante de la famille des Crassulacées (Sedum Telephium). Certains Sedum ont les fleurs d’un jaune superbe.

Dans le latin médiéval, avec les formes pigment, piument, piement, pyment, le mot se présente avec le sens de boisson stimulante faite de vin et de miel dans laquelle entraient force épices et aromates. Le Glossaire de Ducange, le Dictionnaire de l’ancienne langue française de La Curne, et celui de Godefroy, donnent du mot piment de nombreux exemples tirés de la littérature du moyen âge. Une phrase d’un roman de chevalerie montre que, dès le XIIe siècle, on servait dans les repas d’apparat, sous le nom de piment, une boisson épicée, suave et odoriférante :

Je vos vuel commander
Que del piument me servez au disner.

(Raoul de Cambrai, v. 570)

Cette composition aromatique s’employait même dans les embaumements :

D’après la Chanson de Roland, v. 2969, les corps des héros morts à Roncevaux « ben sunt lavez de piment et de vin ».

On comprend maintenant pourquoi le mot piment s’est appliqué au Poivre du Brésil, après son introduction en Europe, et aussi à diverses plantes dont l’action est excitante comme la Mélisse (Piment des abeilles), la Persicaire (Piment d’eau), le Myrica Galé (Piment royal), etc.

Le Piment de la Jamaïque est fourni par les Pimenta, genre de Myrtacées, très différents des Capsicum. On vendait autrefois le fruit condimentaire dans les épiceries sous le nom de Quatre-Epices. Le Piment ou Poivre de Cayenne est fourni par le Capsicum frutescens, espèce presque arborescente, dont le fruit à saveur âcre et brûlante s’emploie pulvérisé. Comme les Pimenta, le Poivre de Cayenne n’est cultivé que sous les tropiques.

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