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Histoire des légumes

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PANAIS

(Pastinaca sativa L.)

Le Panais est un légume bien déchu de son ancienne popularité. Ils sont rares aujourd’hui ceux qui aiment la chair pâteuse et le goût aromatique de cette racine qui n’entre plus guère dans les cuisines que pour servir à l’assaisonnement des potages.

Avant l’introduction de la Pomme de terre, la chair du Panais, reconnue plus nourrissante que celle de la Carotte, était un aliment estimé pour les jours maigres. Contrairement à l’usage actuel, on mangeait beaucoup de Panais et peu de Carottes.

Le botaniste allemand Tragus (1552) dit que le Panais et le Phaseolus forment le fond de la nourriture pendant le Carême. Avant la Réforme, on cultivait en grand le Panais, en Angleterre, pour la nourriture de l’homme, car c’était l’accompagnement favori du poisson séché consommé en temps de carême.

Dans toute l’Europe, cette racine devait être autrefois une importante denrée pour les classes pauvres. D’après Dalechamps (XVIe siècle), Pastinaca (Panais) vient de pascere, paître[312] « parce que la populace en mange souvent et s’en repaît ». De son emploi alimentaire si fréquent le Panais a gardé le nom de Pastinaca, en français Pastenade, qui lui était d’abord commun avec la Carotte. Les déformations successives du mot Pastinaca ont donné : pastenaie, patenais, pasnaie, panais.

[312] Ou mieux de pastus, aliment.

Le Panais cultivé descend du Panais sauvage, Ombellifère bisannuelle indigène. Cette plante est commune dans l’Europe méridionale et tempérée ; on la trouve en France dans les champs, les pâturages secs, les terres incultes.

Le Panais sauvage a une racine fusiforme, blanchâtre, très coriace, enfin immangeable, mais la culture l’a rendue charnue et plus volumineuse. On a vu des Panais ronds pesant 1 kilogramme 175 grammes.

Les commentateurs ne sont pas bien d’accord sur la question de savoir si le Panais a été connu des Anciens. On croit voir le Panais dans une racine comestible nommée par Pline et Dioscoride Elaphoboscon[313]. C’est du moins l’opinion de Sprengel, de Fée, de Sibthorp. Le Staphylinos des Grecs est peut-être le Panais sauvage. Il est possible que les divers Pastinaca des auteurs latins comprennent le Panais[314]. Dans tous les cas, la culture du Panais dès le haut moyen âge n’est pas douteuse.

[313] Hist. nat. l. XXII, chap. 37.

[314] Ed. Fournier, Dict. des Antiquités, article Cibaria.

Le capitulaire de Villis, de Charlemagne, distingue bien le Panais et la Carotte : Pastenaca et Caruitas.

Deux vers de Gauthier de Coinci, poète au XIIIe siècle, montrent que le Panais était alors chose vulgaire :

« Car une truie une basnaie
« Aime assez mielx c’un marc d’argent. »

(Miracles de la Vierge)

C’est là sans doute le plus ancien exemple du mot français Panais (avec la forme basnaie pour pasnaie).

Le Traité de Courtillage, inséré dans le Ménagier de Paris (1393), donne une indication culturale : « Panoit soit semé large à large ».

En l’an 1473, il y eut si grande disette de Navets et de Panais qu’un chroniqueur en fit la remarque : « Les navets, les pastenées et racines estoient sy chières con vendoit IIII navels II deniers, III pastenées I denier[315]. »

[315] Larchey, Journal de Jehan Aubrion, p. 53.

Au XVIe siècle, les botanistes ; Tragus, Camerarius, Lobel, Dalechamps, Gérarde, décrivent ou figurent un grand Panais long, race primitive qui se rapproche de la forme sauvage, le nommant Pastinaca sativa ou domestica. Fuchs l’appelle Sisarum sativum magnum et Clusius, dans sa traduction de Dodoens : grand Chervis cultivé. Pour Dalechamps et Lobel, c’est la Pastenade des jardins.

On voit déjà poindre une race supérieure, à couronne creuse, qui est représentée à notre époque par le Panais long ou demi-long de Guernesey, lequel est caractérisé par une rigole circulaire du collet, d’où partent les feuilles[316].

[316] Camerarius, Epitome (1586), p. 507.

Au XVIIe siècle, apparaissent les Panais ronds, plus larges que hauts, à développement plus rapide, à feuillage peu abondant, par conséquent appropriés à la culture bourgeoise. Ce sont aujourd’hui les plus recherchés pour le potager ; ils sont précoces comme tous les légumes-racines de forme sphérique et leur feuillage réduit les rend moins encombrants.

Le Panais rond s’est aussi appelé Panais de Siam[317].

[317] De Combles, L’Ecole du Potager (1749), t. II, p. 693.

Jusqu’à ce qu’il fut détrôné par la Pomme de terre, le Panais a été en honneur dans la cuisine. Le grand cuisinier La Varenne servait sur les tables princières des plats de Panais à la sauce, blanche. Le mode de préparation le plus fréquent, au XVIIe siècle, était le Panais bouilli, frit et passé dans la pâte, à la manière de nos Salsifis.

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