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Les yeux fermés : $b roman

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XXXIII

Tel était mon cas. Je ne voulais pas aimer Michelle, sans, d’ailleurs, savoir exactement pourquoi je ne le voulais pas. Mais je me rendais compte que ce que j’éprouvais pour elle ressemblait assez à de l’amour. Seulement j’étais résolu à ne pas le lui dire. Je craignais de l’offenser, car je ne pouvais pas admettre qu’elle dût, selon l’expression consacrée, me payer de retour. Et, l’offensant, je m’exposais à perdre le bénéfice de nos entretiens dont elle m’aurait refusé plus longtemps la grâce. Au cours des promenades que je faisais à pied vers Sainte-Barbe ou vers le fort de Socoa, je ruminais ces réflexions. Étais-je malheureux ? Non pas. Convalescent, je me sentais revivre ; je reprenais possession de ces paysages de Saint-Jean-de-Luz, qu’il me semblait que j’avais mal connus. Le plus souvent, je me dirigeais vers Socoa, parce que, pour le gagner, il faut traverser Ciboure ; et la villa de Michelle était là-haut, sur la colline que les chaleurs de l’été doraient. Je rentrais fatigué. Michelle, demeurée à l’hôpital, m’accueillait avec un joli sourire. Ma fatigue tombait. Nous bavardions. Je n’étais pas malheureux du tout. Chaque jour, je me retrouvais plus solide que la veille, et plus satisfait de le constater.

— Vous êtes donc si pressé de nous fuir ? finit par me demander Michelle.

Simple question de simple politesse, évidemment, ou je le pensais. Et je m’empêtrais dans ma réponse, insistant sur mon désir de revoir mes camarades, ma batterie.

— Hé ! dit-elle, rien ne prouve que l’on vous renvoie au front. Votre blessure se ferme, mais elle n’est pas fermée.

Puis, comme pour adoucir la menace qu’elle venait de faire et dont plus d’expérience m’eût expliqué la maladresse, elle ajouta :

— Avouez plutôt qu’il vous tarde d’avoir votre congé de convalescence.

Je le niai. C’était encore une occasion de me découvrir. Je la laissai échapper comme mainte autre.

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