← Retour

Les yeux fermés : $b roman

16px
100%

LVI

Ce n’est point par un vain orgueil que je me complais à noter dans ce cahier que j’ai fait tout ce que j’ai pu, quand il en était temps, pour empêcher Michelle de se lier. C’est plutôt parce que je me suis promis de ne rien dissimuler. Aussi n’ai-je pas tenté d’embellir le récit de ces étranges fiançailles, qui, sans le courage de Michelle, n’auraient probablement jamais eu lieu, pas même dans mes rêves. Michelle était très jeune, malgré les apparences. De là, sans doute, son courage. Mais je n’étais pas bien vieux. De là, sans doute, pareillement, mes scrupules, car ce ne sont pas les hommes jeunes qui ont le plus d’audace en face des femmes et des jeunes filles. Au demeurant, si je m’arrête pour réfléchir, je cherche quel reproche je pourrais m’opposer. Jusqu’au dernier moment, jusqu’au moment où elle voulut être aimée et me l’entendre dire, je n’ai pas voulu aimer Michelle. Je l’aimais, certes, et ma résolution donnerait à sourire aux gens d’expérience. Mais je me suis promis de ne pas tricher : je n’ai pas à me faire plus grand ou plus habile que je ne suis. Je suis comme je suis. Rien de plus, rien de moins. Je me connais mieux que jamais. Comme tout le monde, j’ai pu me tromper. A l’heure de mes étranges fiançailles avec Michelle, je me vantais de tout prévoir. Car je prévoyais beaucoup de choses. Mais tout, c’était peut-être excessif. Je le sais, aujourd’hui. Je le sais à mes dépens. La solitude est noire dans notre petite villa de Guéthary. Loin de moi, en Bretagne, dans sa vieille maison familiale, Michelle se repose, auprès de sa grand’mère. Cette absence d’un mois, j’en suis responsable. Je ne récrimine point. Dans douze jours, Michelle reviendra. Je veux l’attendre patiemment.

Chargement de la publicité...