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Les yeux fermés : $b roman

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XCIII

Le couple férocement joyeux que forment Odette et Georges a tant de puissance entraînante qu’on lui cède sans s’en apercevoir. Ils désirent, on obéit. Aux premières migraines que j’avais prétextées, et dont ils ne furent pas dupes, ils s’étaient bien gardés d’opposer une protestation quelconque. Mais quoi ! Mes migraines, puisqu’il en était, devaient-elles suspendre toute la vie dans ma maison ? Ils n’avaient pas tort. Une fois, deux fois, ils m’enlevèrent Michelle. Jamais Michelle ne me quittait. Elle me quitta. Je précise que je fus obligé de l’y pousser : elle refusait. Quand elle rentrait, elle me détaillait les moindres incidents de sa journée. Et il y avait de la fièvre dans ses propos comme dans sa voix. On eût dit qu’elle cherchait à se faire pardonner des fugues que j’encourageais. Il s’agissait, en effet, de si peu ! Mais Michelle, qui s’était peut-être amusée comme les autres, et sans moi, éprouvait le besoin de s’en justifier en ne me cachant rien de tout ce qu’elle avait vu, entendu, ou fait. De mon côté, je mentirais, si je prétendais qu’il m’était absolument indifférent que Michelle me quittât même pour quelques heures. Jalousie ? Non, puisque Jacques n’était pas là et que je ne redoutais que lui, sans savoir pourquoi ni si j’avais raison de le redouter. Une inquiétude vague m’irritait. Ces promenades en voiture, avec les fous de la bande, j’en craignais les pires issues. Et puis, je le répète, Michelle ne m’avait jamais quitté, sinon pour motif urgent. J’étais habitué à sa présence de tous les moments, que mon infirmité réclamait. Je ne pouvais plus me passer d’elle. J’attendais son retour avec impatience. Prévoyais-je ce que serait l’un de ces retours ? Prévoyais-je qu’elle rentrerait, un soir, à la maison, accompagnée par Jacques ?

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