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Les yeux fermés : $b roman

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XL

Il ne faut pas que j’écrive tout. Tout s’éclaire, et le voile s’est déchiré, sous lequel se cachaient tant de choses que je ne comprenais pas. J’écrirai, du moins, que l’idée de rester plus longtemps à Paris me fut intolérable. La migraine que j’avais invoquée me servit de prétexte, avec la chaleur d’août commençant, si lourde dans la ville. Ma mère, inquiète, ne protesta pas, quand je lui déclarai que j’avais envie d’aller épuiser mon congé de convalescence dans notre maison de Guéthary. Elle me dit seulement qu’elle m’aurait accompagné avec joie si Mme de R…, qui pouvait la remplacer à la rigueur, n’était elle-même en congé de convalescence à la suite d’une grippe maligne. Elle ajouta qu’elle me céderait la vieille Joséphine pour ces quelques jours et qu’elle-même prendrait ses repas à l’hôpital. Voilà comment, moins de deux semaines après avoir quitté Michelle, et désireux de la revoir autant que de m’échapper de Paris, je reparus à l’hôpital de Saint-Jean-de-Luz, non plus en blessé, mais en visiteur.

Auparavant, je m’étais installé à Guéthary. J’avais ouvert les fenêtres sur la mer et sur le jardin. A l’horizon, la mer et le ciel se confondaient. Ah ! ce bleu du ciel basque, comme il est émouvant ! Dans le jardin envahi par les herbes, les allées étaient jonchées des roses mortes du printemps ; les hortensias monstrueux triomphaient ; et des liserons décoraient la haie qui défend le jardin contre les passants de la route. Joséphine balaya, épousseta, lava, brossa.

— Je veux manger, ce soir, une omelette aux piments, et des aubergines, lui avais-je dit au débarquer.

Car j’étais content de m’enfermer dans la maison de mon adolescence. Mais je n’avais pas prévu l’inévitable : les volets à peine poussés, un goût d’amertume m’emplit la bouche ; toute ma jeunesse fleurie et choyée remontait en moi ; et il me manquait celle qui avait fait de notre petite maison une maison magnifique, ma mère, ma chère maman. Et je pleurai, à la fenêtre, sous un ciel d’une splendeur cruelle.

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