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Les yeux fermés : $b roman

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LXXXVI

Je ne les ai pas enviés. Naturellement, Odette les avait conduits à Guéthary, en bande joyeuse, dès le premier jour. Notre maison fut envahie comme la villa de Ciboure. Elle le fut souvent, le matin comme le soir. Michelle avait d’abord mal supporté tant de sans-gêne. Mais, moi, je savais gré à Odette, à Georges, et à leurs fous d’amis, de me faire partager leur joie perpétuelle comme si j’étais l’un d’eux. A la vérité, ils me révélaient une portion au moins de ce monde étrange de l’après-guerre que je ne connaissais que par Michelle, Georges et quelques écrivains. En s’amusant, ils m’amusaient. Parce que je les connus mieux, je fus moins sévère à leur endroit. Au reste, il semblait que la France se remît alors à respirer, comme après une chaude alerte. Pour des raisons que je démêle mal, la livre anglaise était montée à 240 francs : les plus optimistes tremblaient. Mais un gouvernement d’union nationale s’était formé autour du président Raymond Poincaré. Les espoirs renaissaient, soutenus par d’impondérables motifs. La saison, au surplus, était magnifique. Tout incitait à moins de contrainte. Et les amis d’Odette et de Georges semblaient représenter au vif ce renouveau d’allégresse qui animait la France. A les connaître de plus près, j’avais l’impression qu’une large promesse s’ouvrait devant notre patrie désolée. Je ne les réprouvais pas, comme Michelle les avait réprouvés d’abord. Ils m’étaient sympathiques. Je n’eus pas à faire d’effort sur moi-même pour accepter de les suivre une fois à Saint-Jean-de-Luz, puis une autre fois à Hendaye, une autre à Bayonne, et d’autres où ils délibéraient de m’emmener. Ils étaient pleins d’égards et de désinvolture aussi pour moi. L’un d’eux, surtout, m’avait séduit, par la gentillesse de ses attentions et par la maturité de son caractère, bien qu’il n’eût pas encore trente ans. Il plaisait aussi à Michelle, parce qu’il était officier de marine et qu’il parlait avec enthousiasme des choses de la mer. Mais je m’arrêterai là pour aujourd’hui. Il me faut du sang-froid.

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