Diamant noir
XIII
Pendant huit jours, François Mitry fut entre la vie et la mort.
Puis on craignit pour sa raison. Le délire le reprenait à tout instant. Quelques mots, qui demeuraient inexpliqués, revenaient à tout instant sur ses lèvres et, même guéri, plus tard, il devait lui arriver de les répéter encore entre ses dents... Il disait: «Les chiens courants... méfiez-vous des chiens courants... les chiens courants l'ont prise!...»
Junon, installée dans la chambre de son maître, n'en bougea pas plus que Jupiter de la chambre de Nora.
On insista auprès des deux chiens pour les décider à rentrer au chenil; ils refusèrent.
Nora ne demanda pas une seule fois des nouvelles de son père. L'horreur du traitement qu'elle avait subi la laissait consternée; elle demeura repliée sur elle-même, farouche; quelque chose avait été tué en elle, du coup. Si son père était revenu tout de suite, tendre, repentant, caressant comme Jupiter, peut-être eût-il ressuscité ce je ne sais quoi d'heureux qui se mourait, qui était mort en elle; mais la maladie rejeta François Mitry dans l'inconscience, l'éloigna de sa fille. Des pires violences de la colère, de la jalousie, de la passion, il tombait à l'indifférence égoïste du malade. Son grand corps appelait la guérison et le repos. Tout le bon de lui-même sombra dans cette tourmente morale, suivie de ce chaos de sensations morbides. Quand il revint à lui, la terreur, l'horreur, la solitude avaient changé aussi la petite Nora. Un fossé, ouvert brusquement, avait séparé le père de la fille. Lui, il n'aimait plus rien que l'ombre détestée de Thérèse. Nora, elle, n'aimait plus que Jupiter.