Diamant noir
LX
Nora, en compagnie du petit leveur de liège, s'avançait. Mitry s'éloigna. Elle s'avançait, tenant entre ses mains l'écureuil qui, dans ses faveurs, avait remplacé le lièvre défunt... Le pauvre petit lièvre, avec ses bonds désordonnés, avait fini par se casser la tête contre le plafond de sa cage.
—Voyez comme elle est jolie, ma petite bête! dit Nora.
Elle tenait captif l'écureuil aux yeux vifs, à la grande queue fauve et noire, qui, provisoirement familier, une amande entre ses doigts griffus, grignotait.
—Nora, dit gravement Guy,—sans s'occuper de la présence de Jacques pas plus que des mines drôles de l'écureuil,—Nora, mon enfant, vous souvenez-vous de tout ce qui a été dit entre nous, depuis quelques mois?
—Oh! oui! fit-elle.
Et son beau regard noir se leva, plein d'amour, sur les yeux de son ami.
—Eh bien, si vous le voulez, et avec le consentement de votre père, à qui je viens d'en parler,—vous deviendrez ma petite femme, Nora... Est-ce que vous le voulez, dites?
De la surprise, Nora, sans dire un mot, laissa tomber ses deux bras, d'où l'écureuil s'échappa; et, rapide, sautant sur le tronc d'un pin, il disparut en quelques bonds au faîte des arbres.
Jacques, stupéfait, regarda fuir l'écureuil, puis il baissa les yeux et les tint fichés en terre.
—Eh bien, Nora? insista Guy.
—Oh! Guy, Guy! murmurait l'enfant de sa voix musicale, fine et pénétrante,—oh Guy!... je n'aurais jamais pensé à ça... Je me croyais bien trop méchante!
Elle tendit ses bras, attira la tête de Guy vers sa bouche et murmura:
—Je t'obéirai toujours. Tu sais bien que je t'ai promis... Je serai si sage, tu verras... si sage, si sage!... Je t'obéirai, va! parce que je t'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup!
Alors, avec un secret mouvement de jalousie, il s'aperçut que Jacques pleurait.
—Pourquoi pleures-tu, toi? lui demanda-t-il presque brutalement.
—C'est, dit Jacques, c'est, monsieur, qu'elle va être heureuse avec vous!.... On a toujours été si méchant pour elle, excepté Jupiter et moi!
Heureuse!... Encore ce mot!... Guy s'interroge... Saura-t-il la rendre heureuse? il le souhaite, mais il est loin d'en être sûr. Il est seulement certain de souffrir. Elle est si jeune! Il se sent déjà si jaloux!... Saura-t-il ne pas la martyriser?...
Ces mêmes idées préoccupent Guy, le jour de son mariage. Il ne pense pas à autre chose, tout en admirant une petite Nora nouvelle, toute blanche, la mine étonnée et grave sous le grand voile qui l'enveloppe, qui la prend comme un filet prend un papillon.
François Mitry sanglote, à l'église. M. le curé de Cogolin fait un long sermon, et Catri pleure aussi beaucoup, bien qu'il soit convenu qu'elle suivra sa jeune maîtresse, avec Antoine.
La majesté n'est pas l'affaire de Nora, et, sous le voile immense, aux grandes cassures rigides, qui la tient emprisonnée, elle a plusieurs fois des mouvements vifs et menus de petite bête libre, vite réprimés et si drôles, que, malgré leurs soucis, le père et l'époux enchantés, échangent un sourire.