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Diamant noir

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LXX

Guy a trop de bonheur, trop tard. Sa meilleure joie d'amour lui est arrivée juste à l'heure où il croyait sa vie finie. Voilà qu'il faudra payer maintenant! Il faut expier les joies comme si elles étaient des crimes... Oh! Dieu juste! devenir pauvre à côté d'un trésor! Avoir à soi, rien qu'à soi, la jeunesse d'un être, qui vous est donnée! la posséder, la tenir serrée contre son cœur, et sentir qu'on lui est irrésistiblement arraché! Être, grâce à elle, à demi vivant encore, et, par soi-même, mort à demi!

Guy était heureux misérablement. La destinée lui apportait, aux heures où le jour décroît, une forme de beauté et de vie, telle qu'il n'avait pas eu, en sa jeunesse, la pareille. Il revivait en se sentant mourir. Il mettait, dans chacune de ses minutes d'amour, tout ce qu'il pouvait concevoir du temps, et c'était l'infini. Comme un voleur qui n'a pas le temps de compter la somme, emporte le trésor enfermé, il éprouvait, avec la joie de le posséder tout entier, l'angoisse d'en jouir mal, et la terreur qu'on le lui reprenne! Son désir l'incendiait. Il se sentait consumé, tué par l'amour même pour lequel il aurait voulu durer. Il avait les grandes flammes de la lampe qui va expirer. Comme l'aloès, il jetait une fleur merveilleuse, dont l'épanouissement faisait sa mort.

Et, de se sentir, devant le lamentable et inévitable déclin, si fort, si puissant, si heureux, il s'attendrissait sur lui-même.

Hélas! Guy ne sait pas vieillir et ne veut pas mourir parce qu'il a épousé la jeunesse!

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