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Diamant noir

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IV

—Voici Nora, monsieur.

Il se leva d'un bond et, à pleins bras, il prit sa fille sur sa large poitrine, et la pressa contre lui d'un mouvement lent, inexprimablement tendre et fort, comme pour la faire entrer tout entière dans son cœur ouvert.

S'il n'était pas désespéré, c'était cela l'explication: d'elle, de Thérèse, il restait Nora.

—Ma fille! mon enfant! oh! ma fille!

Il ressaisissait la vie, l'amour, l'autre tout entière, sa femme, avec ce geste et avec ce cri; et, lui-même, au bord du grand trou d'ombre et de néant, il se sentait rattaché fortement à la terre parce qu'il tenait cette frêle enfant.

—Nora! Nora! ma chère petite!

Oh! la sourde volupté paternelle qui, des talons, lui remontait au cœur et à la tête comme si, du fond de la terre où sont les morts, où plongent nos racines, une électricité lui venait, fortifiante, des sources mêmes de la vie!

Nora, ses grands cheveux noirs flottant derrière son dos, inclinait la tête sur la poitrine de son papa; elle tenait son cou large à deux bras, et, d'elle-même, elle s'écrasait aussi, passionnément, contre son cœur.

Le mot de la passion, elle l'avait trouvé toute seule, la veille; elle le répéta:

—Oh! papa! je voudrais me cacher dans toi!

Pour répondre à cet appel, à ce désir de protection, il posa un bras sur la tête de l'enfant, l'enveloppa de sa grande force aimante.

Alors, elle souffla, dans la barbe, près de son oreille:

—Où est maman, dis?

Le colosse s'assit, vaincu, comme s'il s'écroulait; il posa l'enfant sur ses genoux.

—Ta maman?... Écoute... mais tu n'auras pas peur?... tu promets?...

Il s'arrêta. Il se sentait gauche à chaque parole... Et cependant il ne voulait pas que la morte partît sans avoir été embrassée par sa fille, ni que la petite chérie perdît à jamais sa mère sans l'avoir embrassée encore.

—Ta mère, ma chérie...

Un sanglot, venu des profondeurs de sa vie, roula en lui, le secoua, rauque.

Et brusquement il pensa qu'il n'y avait point de paroles à dire; que ce sanglot était pour l'enfant une préparation suffisante au tragique spectacle; que la mort ne s'explique à personne, pas plus aux grands qu'aux tout petits;—et puisqu'il voulait que Nora vît sa mère morte, qu'elle en gardât dans sa mémoire l'image ineffaçable, mieux valait la mettre tout de suite en présence de celle qu'il pleurait...

—Ta mère, viens la voir... Après, tu ne la verras plus... plus jamais... mais je te reste, moi, je te reste...

Et il l'emportait vers la douleur, en la couvrant d'un geste consolant, tendre infiniment, plus fort que toute la mort...

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