La jeune Inde
LES EMPLOIS DU KHADDAR
Maintenant que le mouvement du Swadeshi avance à grands pas et que les Mahométans l’adoptent avec autant d’enthousiasme que les Hindous, il serait bon de considérer la meilleure façon de l’encourager. Le moindre novice en Swadeshi sait que nous ne fabriquons pas assez de tissus pour nos besoins. Et par conséquent, si nous ne faisons qu’employer le tissu des filatures, nous privons simplement les pauvres de ce qui leur est nécessaire, ou tout au moins nous en faisons monter le prix. La seule façon d’encourager le Swadeshi est de fabriquer plus de tissus. Les filatures ne sauraient pousser comme des champignons. Il faut par conséquent que nous nous contentions de tissus filés et tissés à la main. Le fil n’a jamais coûté si cher et les filatures font des bénéfices fabuleux. Filer au rouet aiderait à la production et en ferait diminuer le prix.
Comment s’y prendre pour filer et tisser? Voilà la seconde question qui se pose. Je sais par expérience personnelle qu’il est possible d’inonder le marché de fil et de tissus filés et tissés à la main, si l’on arrive à considérer ce tissu type comme assez bon pour qu’on s’en vêtisse. Ce tissu dans l’Inde du Nord porte le nom de Khaddar, et de Khadi dans la Présidence de Bombay. Je remercie Sarala Devi; elle a montré que l’on pouvait confectionner même des sari avec du Khaddar. Elle se dit qu’il lui serait facile de le démontrer, si elle en portait un elle-même, pendant la Semaine Nationale, ce qu’elle fit; et c’est en sari de Khaddar qu’elle assista à toutes les réunions. Ses amis ne croyaient pas que cela fût possible. Ils pensaient qu’une jeune femme habituée à ne porter que la soie la plus fine et la plus légère mousseline de Dacca ne pourrait tolérer le poids du Khaddar. Elle donna un démenti à toutes les craintes et ne fut ni moins active dans son sari de Khaddar que dans ses sari de soie fine. «Si vous ne vous sentez pas gênée dans ce sari, vous pouvez aller n’importe où, assister à n’importe quelle réunion, en toute tranquillité»: ainsi s’exprima son grand-oncle Sir Rabindranath Tagore, en lui donnant sa bénédiction, lorsqu’il l’aperçut ainsi vêtue. Si je rapporte cet incident, c’est afin de démontrer que deux des personnes qui ont la réputation d’être les plus artistes de l’Inde ne trouvèrent rien dans le Khaddar qui ne fût pas artistique. Voilà le tissu dont je veux introduire l’usage dans les familles cultivées de l’Inde, car de son emploi dépend le succès initial du mouvement Swadeshi. Pour moi, le Khaddar est bien autrement artistique que la mousseline de Dacca à cause de tous les souvenirs qui s’y associent. Le Khaddar fait vivre aujourd’hui ceux qui mouraient de faim. Il fait vivre des femmes que l’on a tirées d’une vie de honte, ou des femmes qui ne voulant pas travailler au dehors se querellaient entre elles faute d’avoir une occupation. Le Khaddar a donc une âme, une personnalité. Celui qui le porte peut suivre le procédé de sa fabrication et remonter jusqu’à ceux qui l’ont fait. Si nos goûts n’étaient pas aussi avilis, nous préférerions le Khaddar au calicot poisseux, même pendant l’été. Que ceux qui en portent maintenant, s’ils le veulent bien, témoignent de la vérité de ce que j’avance!
Il existe à présent un dépôt de Khaddar au Satyâgraha Ashram. J’en ai amassé un stock bien supérieur à l’espace dont je dispose. Je prie donc les lecteurs de la Jeune Inde de m’aider, en le faisant connaître dans leurs familles. Il va sans dire que l’Ashram n’en tire aucun profit. Tout bénéfice réalisé sert au recouvrement des pertes faites au début, ou à la diminution du prix du Khaddar provenant de régions où le prix en est plus élevé, car celui-ci varie. Je suis obligé de payer suffisamment les tisseurs à qui j’ai persuadé de reprendre leur ancienne occupation, pour qu’ils puissent vivre pour l’instant.
On peut employer le Khaddar pour confectionner du linge, si l’on n’est pas disposé à s’en vêtir. Mais même si l’on ne tient pas à l’employer pour un usage personnel, on peut en faire des bonnets, des nappes, des sacs, des draps, des toiles à matelas, des sacs de voyage, des carpettes, des housses, etc. J’en fais teindre en rouge vif, en teinture Swadeshi. Cette teinture rend le Khaddar plus résistant et moins salissant pour les tapis, la literie ou les sièges. Je conseillerais à ceux qui veulent aider cette industrie des pauvres et des déshérités, d’envoyer leur commande de Khaddar au Directeur, Service du Khaddar, Satyâgraha Ashram à Sabarmati.
| PRIX COURANT | |||||
| Khadi chaîne et trame filées machine. | |||||
| Double chaîne et double trame | |||||
| Inches | Rs | As | P | ||
| Largeur | 25 | le yard. | 0 | 9 | 0 | 
| » | 27 | » | 0 | 9 | 6 | 
| » | 30,8 | » | 0 | 10 | 0 | 
| Khadi chaîne à la machine, trame filée à la main. | |||||
| » | 25,20 | le yard. | 0 | 9 | 6 | 
| » | 8 | » | 0 | 8 | 0 | 
| » | 24,20 | » | 0 | 8 | 0 | 
| Khadi | doublé | » | 0 | 8 | 6 | 
| Khadi | teint rouge | » | 0 | 8 | 6 | 
| Khadi chaîne et trame filées à la main. | |||||
| Khadi 24 inches | le yard. | 0 | 8 | 0 | |
| » 27 » | » | 0 | 8 | 6 | |
| Pour le Khadi lavé 0 0 6 en plus par yard. | |||||