La jeune Inde
L’UNIVERSITÉ NATIONALE DE GUJERAT
En créant une Université et en organisant un Collège à Ahmedabad le Gujerat a démontré que la Non-Coopération avait également son côté constructif. Seulement, comme la Non-Coopération est d’abord un acte de purification, il lui faut détruire avant de construire. L’Université Nationale se dresse aujourd’hui pour protester contre l’injustice britannique et défendre notre honneur national. Mais elle demeurera. Elle s’inspire des idéaux nationaux d’une Inde unie. Elle représente une religion qui est le Dharma des Hindous et l’Islam des Mahométans. Elle veut sauver les langues indigènes de l’oubli immérité et en faire la source de la régénération nationale et de la culture indienne. Elle considère que l’étude systématique des cultures asiatiques n’est pas moins essentielle pour acquérir une éducation parfaite que celle des sciences occidentales. Elle devra fouiller dans les immenses trésors du sanscrit, de l’arabe, du persan, du pali et du magahdi afin d’y découvrir où se trouve la source de la force pour la nation. Elle ne se propose pas seulement de se nourrir des anciennes cultures ou de les copier: elle espère plutôt créer une culture nouvelle basée sur les traditions et enrichie par l’expérience des temps plus rapprochés. Elle représente la synthèse des différentes cultures qui se sont implantées aux Indes, qui ont agi sur l’existence de l’Inde et qui ont à leur tour subi l’influence de l’esprit du sol. Cette synthèse sera, bien entendu, selon le Swadeshi où toute culture est assurée d’avoir sa place légitime, non sur le modèle américain où une culture prédomine et absorbe toutes les autres, où le but n’est pas l’harmonie mais une unité artificielle et forcée. Pour cette raison l’Université a voulu que ses étudiants apprissent à connaître toutes les religions de l’Inde. Les Hindous ont ainsi l’occasion d’étudier le Koran et les Musulmans de savoir ce que contiennent les Shastras hindous. L’Université n’a exclu qu’une seule chose de son programme, c’est l’esprit d’exclusion qui considère comme «intouchable»[72] une section quelconque de l’humanité. L’étude de l’hindoustani qui est un mélange national de sanscrit, d’hindi et d’urdu persanisé est obligatoire. L’esprit d’indépendance sera développé non seulement par l’étude de la religion, de la politique et de l’histoire mais aussi par la préparation professionnelle qui seule peut donner à la jeunesse du pays l’indépendance économique et le soutien que procure le respect de soi-même. L’Université espère organiser de meilleures écoles dans toutes les villes de province afin que l’instruction se répande au loin et pénètre le peuple le plus tôt possible.
Le Gujerati employé comme langue éducative facilitera ce progrès et il n’y aura plus, entre les gens cultivés et les ignorants, cette séparation qui est une sorte de suicide. L’un des effets d’une éducation industrielle pour les classes distinguées et d’une éducation littéraire pour les classes industrielles sera en grande partie d’empêcher la distribution inégale de la fortune et en même temps de mettre fin au mécontentement social qui en résulte. Les plus graves défauts des Universités du Gouvernement c’est d’être sous le contrôle d’étrangers et d’attribuer une valeur fausse aux diverses carrières. L’Université du Gujerat en ne coopérant pas avec le Gouvernement y remédie automatiquement. Si les fondateurs et les promoteurs sont fidèles à cette résolution jusqu’à ce que le Gouvernement soit devenu national, ils acquerront une perception nette des idéaux et des besoins de la Nation. Demandons à Dieu que les Travailleurs pour la cause aient la foi et la force nécessaires pour défendre la bannière qu’ils ont déployée.
17 novembre 1920.