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La jeune Inde

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TROIS CRIS NATIONAUX

Pendant mon voyage de Madras, j’eus l’occasion à Bedzwada de faire quelques remarques au sujet des cris nationaux et de suggérer qu’il vaudrait mieux en avoir pour des idéaux que pour des hommes. Je demandai à l’auditoire de remplacer Mahatma Gandhiki Jai et Mahomed Ali-Shaukat Aliki Jai par Hindu Mussalmanki Jai. Notre frère Shaukat Ali, qui parla ensuite, l’établit comme règle. Il avait remarqué qu’en dépit de l’Union Hindoue-Musulmane, si les Hindous criaient Bande Mataram, les musulmans faisaient immédiatement retentir Allaho Akbar et vice versa. Ceci, dit-il fort justement, était discordant pour l’oreille et montrait que le peuple n’agissait pas en communion d’esprit. Trois cris seulement devraient être admis: Allaho Akbar chanté joyeusement par les Hindous et les Musulmans pour exprimer que Dieu seul est grand et nul autre. Le second cri devrait être Bande Mataram (Salut Patrie) ou Bharat Mataki Jai (Victoire à Notre Mère Hind). Le troisième, Hindu Mussulmanki Jai, sans lequel il ne saurait y avoir de victoire pour l’Inde ni de vraie démonstration de la grandeur de Dieu. Je désirerais vivement que les journaux et les hommes politiques adoptent l’idée du Maulana et décident le peuple à ne pousser que ces trois cris. Ils expriment beaucoup de choses. Le premier est une prière, une confession de notre insignifiance et par conséquent un signe d’humilité. C’est un cri pour lequel tous les Musulmans et tous les Hindous devraient s’unir dans un sentiment de respect et de prière. Il ne faut pas que les Hindous hésitent à employer des mots arabes lorsque le sens en est non seulement inoffensif mais ennoblissant. Dieu n’attache pas d’importance à une langue plus qu’à une autre. Bande Mataram en dehors des souvenirs merveilleux qu’il évoque, exprime l’unique souhait national, à savoir que l’Inde s’élève et atteigne toute sa grandeur. Et je préférerais Bande Mataram à Bharat Mataki Jai parce que ce serait reconnaître courtoisement la supériorité du Bengale par le cœur et l’intelligence; et comme l’Inde ne peut rien devenir sans l’union de l’âme hindoue et de l’âme musulmane, Hindu-Mussulmanki Jai est un cri que nous n’oublierons sans doute jamais.

Ces cris ne doivent pas être poussés d’une façon discordante. Dès que quelqu’un lance un des trois, tout le monde doit immédiatement le reprendre et chacun ne pas hurler celui qu’il préfère. Qui ne veut pas s’y joindre peut s’abstenir et doit considérer comme un manquement aux bonnes manières d’intercaler le sien lorsqu’un autre a été poussé. Il serait également préférable que les trois cris fussent dans l’ordre cité plus haut. Il ne faut pas non plus qu’ils soient répétés trop fréquemment. Lorsqu’un chef populaire traverse une gare on entend parfois le même hurlement poussé sans interruption. Je ne crois pas que ce bruit incessant fasse le moindre bien à la nation si ce n’est de lui fournir un médiocre exercice pour les poumons. Il faudrait songer en outre aux nerfs de notre chef. C’est un gaspillage national de le tenir occupé à regarder la foule ou de l’obliger à écouter pendant une demi-heure de suite un cri poussé en son honneur ou en l’honneur d’un autre. Il nous faut cultiver le sens des proportions.

8 septembre 1920.

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