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La jeune Inde

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BOYCOTTAGE DES CONSEILS

Pundit Rambhuji Dutt Chaudhry s’est rangé parmi les adversaires de Lala Lajpat Rai au sujet du boycottage des Conseils. Madras est divisé, la plupart des chefs Nationalistes semblent peu disposés à boycotter les Conseils. Le Mahratta s’est déclaré contre cette mesure dans un article où il donne des arguments très justes. Ses raisons pour s’opposer au boycottage sont au nombre de deux. 1o Si les Nationalistes s’abstiennent, les Modérés auront tous les sièges. 2o Puisque nous avons fait quelque progrès avec les Conseils législatifs il est probable que nous en ferons davantage, lorsque les représentants du peuple auront des pouvoirs plus étendus.

La première raison ne fait guère honneur à un grand parti populaire. S’il est mauvais de faire partie des Conseils, pourquoi les Nationalistes seraient-ils jaloux d’y voir entrer les Modérés? Doivent-ils participer au mal parce que les Modérés ne veulent pas s’abstenir? ou bien se dit-on que le mal ne pourrait être évité que si tous s’unissent pour le boycottage? Dans ce cas c’est montrer une ignorance totale du principe du boycottage. Nous boycottons une institution soit parce qu’elle nous déplaît, soit parce que nous ne voulons pas collaborer avec ceux qui la dirigent. Cette dernière raison seule est en cause pour les Conseils, et je déclare que dans un certain sens nous coopérons en en faisant partie, même si notre but est de faire de l’obstruction. La plupart des institutions, et particulièrement le Conseil Législatif Britannique, prospèrent malgré l’obstruction, et les obstructions disciplinées des Irlandais n’ont guère fait d’impression sur la Chambre des Communes. Les Irlandais n’ont pas obtenu le Home Rule qu’ils désiraient. Le Mahratta prétend que faire de l’obstruction serait de la Non-Coopération active et agressive. Je me permets d’y contredire. Selon moi c’est témoigner un manque de confiance en soi, c’est-à-dire en sa doctrine. On doute et on périt. Je ne crois pas que les chefs anglais ou Modérés puissent envisager avec tranquillité un boycottage nationaliste des Conseils. Nous voici face à face avec la réalité. Un seul Modéré tiendra-t-il à faire partie d’un Conseil si plus de la moitié des votants n’approuvent pas sa candidature? Je considère que ce ne serait pas constitutionnel car il ne représenterait pas sa circonscription. Le Boycottage que j’aurais en vue suppose une discipline des plus actives et une propagande attentive et s’appuie sur la croyance que les électeurs préfèreront un boycottage absolu à l’obstruction. Si l’on pense que le peuple lui-même ne désire pas le boycottage absolu le devoir de ceux qui y croient serait de démontrer aux électeurs combien le boycottage est supérieur à l’obstruction. Faire partie des Conseils est se soumettre au vote de la majorité c’est-à-dire coopérer. Par conséquent si nous voulons arrêter les rouages du gouvernement, comme c’est le cas, jusqu’à ce que nous ayons obtenu justice au sujet du Califat et du Pendjab, il nous faut opposer toutes nos forces au Gouvernement et refuser d’accepter le vote de la Majorité au Conseil parce que celui-ci ne représente pas la volonté du pays ni la nôtre. Mieux vaut un ministre qui refuse ses services, qu’un ministre qui sert en protestant. Servir en protestant prouve que la position n’est pas intolérable. Je prétends que la position créée par le Gouvernement est devenue intolérable et qu’il ne reste par conséquent rien d’autre à faire pour qui se respecte que la Non-Coopération, c’est-à-dire une abstention totale. Le Général Botha refusa de faire partie du Conseil de Lord Milner parce qu’il désapprouvait l’attitude de celui-ci dans ses rapports avec les Boers. Et le Général Botha réussit parce qu’il avait pour lui le Transvaal presque entier. Au point de vue politique le succès dépend de la façon dont le pays accepte le mouvement de boycottage. Au point de vue religieux, le succès est obtenu par l’individu dès que celui-ci agit selon ses principes, et son action assure le succès national parce qu’il en a posé les bases en montrant quel était le chemin le plus direct pour y arriver.

L’autre argument est que nous réussirons en faisant partie des nouveaux conseils parce qu’en somme nous n’avons pas si mal réussi déjà lorsqu’il nous est arrivé de faire partie de corps moins populaires. La réponse à cette objection c’est que la ligne de séparation n’existait pas encore: nous n’avions pas perdu confiance dans la loyauté et la justice britanniques, et peut-être qu’alors nous ne nous sentions pas assez forts pour mener à bien le boycottage, ou que nous n’en avions pas élaboré les méthodes comme nous l’avons fait depuis. Il est probable que ces trois raisons agissent aujourd’hui. Après tout, les façons de faire et les méthodes varient selon les temps. Il nous faut vieillir avec les années. La nourriture qui pouvait nous suffire lorsque nous étions enfants ne nous convient plus lorsque nous avons atteint l’âge d’homme.

14 juillet 1920.

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