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La jeune Inde

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HIND SWARAJ, le Home Rule de l’Inde.

C’est assurément un bonheur pour moi que la brochure portant ce titre attire l’attention générale. L’original est en Gujerati. Elle a eu une carrière variée. Elle parut d’abord en Afrique du Sud dans les colonnes de l’Indian Opinion. Je l’avais écrite en 1908 après avoir quitté Londres, pendant le voyage, lorsque je retournais dans l’Afrique du Sud. J’avais eu l’occasion d’être en rapports avec tous les Indiens anarchistes de Londres. Leur bravoure m’avait frappé mais j’avais l’impression que leur zèle s’égarait. J’avais le sentiment que la violence n’était pas un remède aux maux de l’Inde et que sa civilisation demandait une arme différente et plus élevée pour la défendre. Le Satyâgraha de l’Afrique du Sud était encore dans l’enfance, il avait à peine deux ans, mais il était assez vigoureux cependant pour qu’il me fût possible d’en parler avec quelque assurance. Hind Swaraj reçut un tel accueil qu’il fut publié sous forme de brochure et attira quelque attention dans l’Inde. Le Gouvernement de Bombay en défendit la circulation. Je répondis à cette attaque en en faisant paraître la traduction. Je considérais que je devais à mes amis Anglais de leur faire connaître ce qu’il renfermait. Selon moi c’est un livre que l’on peut mettre entre les mains d’un enfant. Il enseigne l’Evangile de l’amour à la place de celui de la haine. Il remplace la violence par l’abnégation et oppose la force de l’âme à la force brutale. Il en a paru plusieurs éditions et je le recommande à ceux qui voudraient le lire. Je n’en retire qu’un seul mot et cela par déférence, pour une dame de mes amies. J’en ai donné la raison dans la préface de l’édition indienne. La brochure condamne sévèrement «la civilisation moderne». Je l’écrivis en 1908 et ma conviction est plus profonde que jamais aujourd’hui. Je suis persuadé que si l’Inde se débarrassait de la civilisation moderne, elle ne ferait qu’y gagner.

Mais je tiens à en prévenir le lecteur, il ne doit pas s’imaginer que je cherche aujourd’hui le Swaraj[78] tel qu’il y est décrit. Je sais que l’Inde n’est pas mûre pour cela. Le dire peut sembler impertinent mais c’est ma conviction. Je travaille pour arriver à la maîtrise personnelle qui y est décrite mais aujourd’hui je consacre mon activité publique au Swaraj parlementaire tel que le désire le peuple de l’Inde. Mon but n’est pas de détruire les chemins de fer et les hôpitaux; j’en accueillerais pourtant avec plaisir la destruction naturelle. Les chemins de fer et les hôpitaux ne sont pas une preuve de civilisation pure et élevée. Ils sont tout au plus un mal nécessaire. Ni les uns ni les autres n’ajoutent un pouce à la stature morale d’une nation. Je ne cherche pas davantage la destruction complète des tribunaux, bien que je considère que ce soit une fin ardemment souhaitable. Je désire encore moins détruire les machines et les filatures. Il faudrait pour cela une simplicité et un renoncement plus grands que le peuple n’en serait capable à présent.

La seule partie du programme qui soit appliquée complètement est celle de la Non-Violence. Mais je regrette d’être forcé de l’avouer: même celle-ci n’est pas appliquée selon l’esprit du livre. Si elle l’était l’Inde pourrait obtenir son Swaraj en une journée. Si l’Inde adoptait la doctrine de l’amour comme faisant partie de sa religion et l’introduisait dans sa politique le Swaraj descendrait des Cieux. Mais j’ai tristement conscience que cet événement est encore bien éloigné de nous.

Je fais part de ces réflexions parce que je remarque que bien des citations du livre sont données dans l’intention de jeter un discrédit sur le mouvement actuel. J’ai même lu des articles où il est suggéré que je joue un jeu habile et que je profite de l’agitation actuelle pour imposer mes manies à l’Inde et que je fais des expériences religieuses à ses dépens. Tout ce que je puis répondre c’est que le Satyâgraha est d’une étoffe plus résistante. Il n’y a en lui rien de réticent et rien de caché. Il est certain qu’une partie de la théorie de l’existence décrite dans Hind Swaraj est mise en pratique. Il n’y aurait pas le moindre danger à ce que la totalité le fût. Mais il n’est pas juste d’effrayer les gens en reproduisant certains passages qui n’ont rien à voir avec la question actuelle intéressant le pays.

26 janvier 1921

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