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La jeune Inde

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LE PÉCHÉ D’INTOUCHABILITÉ

Il est intéressant de remarquer que le Comité qui se réunit avant le Congrès pour discuter les propositions du Congrès et le Comité du Congrès de Nagpur en 1920 ont accepté sans opposition la clause se rapportant au péché d’intouchabilité. L’Assemblée Nationale a bien agi en approuvant la résolution et en déclarant que pour obtenir le Swaraj il était nécessaire de faire disparaître cette souillure de l’Hindouisme. Le diable n’arrive à ses fins que parce qu’il est aidé par ses pareils. Il tire profit des faiblesses de notre nature pour avoir de l’empire sur nous. Le Gouvernement fait de même. C’est par nos vices et nos faiblesses qu’il conserve son autorité sur nous, et si nous voulons devenir insensibles à ses machinations il faut nous débarrasser de nos faiblesses. C’est pour cette raison que j’ai appelé la Non-Coopération une méthode de purification. Dès que la méthode aura fait son œuvre ce gouvernement s’effondrera faute d’être entouré de l’atmosphère qui lui est nécessaire, comme les moustiques qui cessent de fréquenter l’endroit où les fossés ont été asséchés et comblés. Une juste Némésis ne nous a-t-elle pas châtié pour le crime d’intouchabilité? N’avons-nous pas récolté ce que nous avons semé?... Nous avons tenu les parias à l’écart et maintenant nous le sommes devenus nous-mêmes dans les colonies anglaises. Nous leur refusons de se servir de nos puits, nous leur jetons nos restes; leur ombre même semble nous polluer. En vérité il n’est pas d’accusation que nous ne lancions à la figure des Anglais que les parias ne pourraient nous lancer également.

Comment peut-on faire disparaître cette souillure de l’Hindouisme? «Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fît». J’ai souvent dit à des fonctionnaires anglais que s’ils étaient des amis et des serviteurs de l’Inde, ils devraient descendre de leur piédestal, abandonner leur attitude protectrice, montrer par leurs actes pleins d’amour qu’ils sont en toutes choses nos amis, et nous croire leurs égaux absolument comme leurs camarades anglais. Après les événements du Pendjab et du Califat, j’ai été un peu plus loin. Je leur ai demandé de se repentir et de changer de sentiments. Et c’est justement pour cela qu’il faut que nous autres Hindous nous nous repentions du mal que nous avons fait, que nous changions notre façon d’agir envers ceux que nous avons «supprimés» par un système tout aussi diabolique que celui du Gouvernement de l’Inde réprouvé par nous. Nous ne devons pas leur jeter comme une aumône quelques misérables écoles, nous ne devons pas adopter envers eux un air de supériorité. Il faut que nous les traitions comme nos propres frères et leur rendions l’héritage que nous leur avons enlevé. Et ceci ne doit pas être l’action de quelques réformateurs qui connaissent les Anglais, mais un effort volontaire et conscient de la part des masses. Nous ne devons pas attendre des siècles pour accomplir cette réforme attardée. Il faut que nous nous efforcions d’y parvenir en cette année de grâce, d’épreuve, de préparation et de pénitence. C’est une réforme qui ne doit pas suivre le Swaraj mais le précéder.

L’«intouchabilité» n’est pas une sanction de la religion mais une invention de Satan. Le diable a toujours cité l’Ecriture Sainte. Mais l’Ecriture Sainte ne saurait être au-dessus de la Raison et de la Vérité. Elle a pour but de purifier la Raison et de rendre la Vérité plus éclatante. Je n’irais pas brûler un cheval sans tache parce qu’il paraît que les Vedas ont conseillé, toléré et autorisé ce sacrifice. Pour moi les Vedas sont divins, ils ne sont pas écrits. «La lettre tue»; c’est l’esprit qui communique la lumière, et l’esprit des Vedas est pureté, vérité, innocence, chasteté, simplicité, pardon et piété et tout ce qui rend l’homme et la femme braves et nobles. Il n’y a ni noblesse, ni bravoure à traiter les nobles boueurs résignés de la nation comme s’ils étaient moins que des chiens qu’il faut mépriser et couvrir de crachats. Plût à Dieu qu’il nous accordât à tous la force et la sagesse nécessaires pour devenir les boueurs de la nation comme les classes supprimées sont obligées de l’être. Il ne manque pas d’écuries d’Augias à nettoyer.[76]

19 janvier 1921

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