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La jeune Inde

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JUGEMENT

Voici le texte entier du jugement:

«Monsieur Gandhi, vous avez rendu ma tâche aisée, en vous reconnaissant coupable. Néanmoins, ce qui reste à faire, c’est-à-dire la détermination d’une juste sentence, est peut-être la tâche la plus difficile qu’un juge de ce pays ait eue à remplir. La loi n’a pas égard aux individus: pourtant, il m’est impossible d’ignorer que vous faites partie d’une catégorie de personnes différentes de celle que j’ai et que j’aurai probablement à juger. Il est impossible d’ignorer qu’aux yeux de millions de vos compatriotes vous êtes un grand patriote et un grand chef. Même ceux qui ne partagent point vos opinions politiques vous considèrent comme un homme de haut idéal, de vie noble et même sainte. Je n’ai à vous juger que sur un point; mon devoir n’est pas de vous juger ou de vous critiquer pour d’autres, et je ne me le permettrai pas. Mon devoir est de vous juger seulement comme homme sujet de la loi, qui de son propre aveu a désobéi à la loi et commis ce qui est pour tout homme un grave délit envers l’Etat. Je n’oublie pas que vous avez constamment prêché contre la violence, et je suis tout disposé à croire qu’en mainte circonstance vous avez fait beaucoup pour empêcher la violence. Mais si je considère la nature de votre enseignement politique et le tempérament de ceux auxquels il s’adressait, ce qui dépasse ma compréhension c’est que vous ayez pu croire que la violence n’en serait pas l’inévitable conséquence.

Il est probablement peu de personnes dans l’Inde qui ne regrettent sincèrement que vous ayez rendu impossible à un gouvernement de vous laisser en liberté. Mais c’est ainsi. J’essaie de mettre en balance ce qui vous est dû et ce qui semble nécessaire aux intérêts du public, et je me propose de vous condamner en m’appuyant sur le précédent d’une cause qui ressemble beaucoup à la vôtre et qui fut jugée d’après le même paragraphe, il y a une douzaine d’années. Je veux dire celle de Bal Gangadhar Tilak. Il fut condamné à six années de prison. Vous ne me jugerez pas déraisonnable, je pense, si je vous classe avec Mr. Tilak, en un mot si je vous condamne à deux années de prison pour chacune des accusations, soit à six années en tout, ainsi que je considère que c’est mon devoir de le faire. Je désire ajouter que si, par suite des événements, il était possible de réduire cette peine, personne n’en sera plus heureux que moi.»

Le juge s’adressa alors à Banker, qu’il condamna à un an de prison et à une amende de 1000 roupies, ou à défaut à six mois de prison supplémentaires.

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