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La jeune Inde

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COMMENT ORGANISER
LA NON-COOPÉRATION

La meilleure façon de répondre aux critiques et aux craintes exprimées, au sujet de la Non-Coopération, est peut-être d’en établir un programme plus complet. Les critiques semblent s’imaginer que les organisateurs ont l’intention de mettre en action, d’un seul coup, tout ce qui a été projeté. A dire vrai, les organisateurs ont fixé quatre étapes définies et progressives. La première consiste à faire l’abandon de tous titres et à renoncer à toute fonction honorifique. S’il n’y a pas de résultat, ou si le résultat ne produit pas l’effet souhaité, on aura recours à la seconde. Celle-ci nécessite beaucoup de préparatifs préliminaires. Il est certain qu’on ne fera cesser le travail à un employé n’ayant pas les moyens de subvenir à ses besoins personnels et à ceux de sa famille, que si le Comité pour le Califat peut en assumer la charge. Tous les services ne seront pas invités à cesser le travail en même temps, et jamais aucune pression ne sera exercée sur un employé, pour l’obliger à abandonner le service du Gouvernement, de même qu’on ne touchera à aucun patron privé, pour la simple raison que le Mouvement n’est pas anti-Anglais. Il n’est même pas anti-Gouvernemental.

Il nous faut refuser de coopérer avec le Gouvernement, parce que le peuple ne doit pas se faire le complice d’une injustice, d’un serment violé,—de la profanation d’un profond sentiment religieux. Il va de soi que le mouvement sera retardé, si une pression indue s’exerce sur un employé, ou si un membre du Comité pour le Califat emploie la violence ou l’approuve. La seconde phase ne peut manquer de réussir complètement, si elle est adoptée par un nombre raisonnable de citoyens, car nul gouvernement, le gouvernement indien moins que tout autre, ne pourrait subsister si le peuple cessait de le servir. La troisième phase—le retrait des troupes et de la Police—est lointaine. Les organisateurs néanmoins ont voulu être justes, agir ouvertement, et se montrer au-dessus de tout soupçon. Ils n’ont pas voulu cacher au gouvernement ou au public une seule des mesures qu’ils se proposaient d’adopter, même en cas d’éventualité éloignée. La quatrième phase, c’est-à-dire le refus de payer les impôts, est plus lointaine encore. Les organisateurs reconnaissent que suspendre le payement des impôts généraux est fort dangereux. Il est probable qu’une certaine classe de gens impulsifs se verront aux prises avec la police. Aussi, les organisateurs ne s’y engageront pas, sans être absolument certains qu’il n’y aura aucune violence de la part du peuple.

J’admets, comme je l’ai déjà fait, que la Non-Coopération ne peut avoir lieu sans risques; mais les risques de l’indolence devant un problème grave sont infiniment plus grands que le danger de la violence, que peut faire naître l’organisation de la Non-Coopération. Ne rien faire est le moyen certain d’appeler la violence...

Ceux dont la cause est juste ne se sont jamais contentés d’une simple protestation. Certains sont morts pour elle. Peut-on s’attendre à ce qu’un peuple aussi fier que les Mahométans risque moins?

9 juin 1920

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