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La jeune Inde

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L’INDÉPENDANCE

Maulana Hasrat Mohani a défendu l’Indépendance avec beaucoup de courage, d’abord sur l’estrade du Congrès, puis comme Président de la Ligue Musulmane, et il a été heureusement battu chaque fois. Il est impossible de se méprendre sur le sens des paroles du Maulana: il voudrait rompre tout rapport avec le peuple britannique même à titre d’associé et d’égal, et quand bien même la question du Califat aurait été résolue d’une façon satisfaisante. Il n’est pas bon d’avancer que la question du Califat ne saurait être résolue sans une indépendance absolue. Nous ne faisons qu’en discuter la théorie. S’il faut l’indépendance absolue pour que la question du Califat soit résolue, c’est-à-dire si le peuple britannique se montre toujours hostile aux aspirations du monde musulman, nous n’avons d’autre parti à prendre que d’insister pour l’avoir, il y va de l’intérêt commun. L’Inde ne peut se permettre de donner à l’Angleterre, ne fût-ce que son appui moral, et doit se passer de l’appui moral et matériel de l’Angleterre si elle ne peut la décider à se montrer bien disposée à l’égard de l’Islam.

Mais si nous supposons que la Grande-Bretagne change d’attitude, et je sais qu’elle le fera lorsqu’elle se rendra compte que l’Inde est forte, il serait illégitime au point de vue religieux de continuer à réclamer l’Indépendance. Ce procédé serait déplacé et vindicatif, il équivaudrait à nier l’existence de Dieu, car ce refus serait alors fondé sur la supposition que le peuple britannique est incapable de répondre au Dieu qui se trouve en chacun de nous, principe qui ne saurait se défendre ni par le Musulman croyant, ni par l’Hindou croyant.

L’Inde devra mettre toute sa gloire, non à traiter les Anglais en ennemis qu’il faut expulser à la première occasion, mais à s’en faire des amis et des associés dans la nouvelle république de nations qui remplacera un empire basé sur l’exploitation des races et des nations plus faibles de la terre et par conséquent sur la force.

Voyons clairement quel sera le sens du Swaraj si nous conservons nos rapports avec la Grande-Bretagne. Assurément, c’est la possibilité pour l’Inde de déclarer son indépendance si elle le désire. Le Swaraj ne sera donc pas un don gratuit du Parlement Britannique. Ce sera la déclaration du droit de l’Inde à être représentée entièrement. Sans doute le Swaraj sera exprimé par un Acte du Parlement; mais cet acte ne sera qu’une ratification courtoise du vœu exprimé par le peuple de l’Inde, comme ce fut le cas pour l’Afrique du Sud. La Chambre des Communes ne put en modifier un seul adverbe. La ratification, en ce qui nous concerne, sera un traité où la Grande-Bretagne sera intéressée.

Il est possible que ce Swaraj-là nous ne l’obtenions pas cette année, peut-être pas avant une autre génération; mais je n’ai jamais songé à rien de moins. Lorsque le moment de l’accord sera venu, le Parlement Anglais ratifiera les vœux du peuple de l’Inde, non par la voie de la bureaucratie, mais par l’intermédiaire des représentants que celle-ci se sera choisis librement.

Le Swaraj ne pourra jamais être le don d’une nation à une autre. C’est un trésor qu’il faut acheter au prix du sang le plus pur de la nation. Ce ne sera plus un don lorsque nous l’aurons payé chèrement. Le Vice-Roi s’est trompé en disant qu’il faudrait bien que le Swaraj nous vînt du Parlement Britannique s’il ne nous venait par l’épée. Il n’était guère flatteur pour son pays de laisser entendre à ses auditeurs que l’Angleterre était incapable de prêter l’oreille à la pression morale de la souffrance, il faisait injure à leur intelligence s’il voulait leur faire croire que le Parlement Britannique donnerait le Swaraj à l’Inde quand il le voudrait, sans se soucier de ses désirs et de ses aspirations. En réalité, le Swaraj sera le fruit d’un incessant labeur et d’intenses souffrances...

5 janvier 1922.

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