La jeune Inde
NÉCESSITÉ D’ÊTRE HUMBLES
L’esprit de Non-Violence conduit nécessairement à l’humilité. La Non-Violence signifie confiance en Dieu, le Roc des Ages. Si nous voulons qu’il nous aide, il faut nous approcher de lui avec un cœur humble et contrit. Les Non-Coopérateurs ne doivent pas exploiter le succès surprenant qu’ils ont remporté au Congrès. Il nous faut être comme le manguier qui courbe la tête lorsqu’il porte des fruits. Sa grandeur réside dans son humilité majestueuse. Mais il paraît que les non-coopérateurs se sont montrés insolents et intolérants envers ceux qui ne partagent pas leurs idées. Ils perdront, j’en suis sûr, s’ils s’enflent d’orgueil, leur importance et leur gloire. Nous n’avons certainement pas lieu d’être mécontents du progrès accompli jusqu’à présent, mais nous n’avons pas grand chose à notre actif dont nous puissions être fiers. Il nous faudra faire bien d’autres sacrifices avant de pouvoir nous permettre de montrer de la fierté, encore moins de l’orgueil. Les milliers d’Indiens qui sont venus en foule au Congrès approuvent sans aucun doute la doctrine intellectuellement, mais peu d’entre eux l’ont mise en pratique. Sans parler de ceux qui plaident, combien de parents ont retiré leurs enfants des écoles? Combien de ceux qui ont voté pour la Non-Coopération ont cessé d’employer du tissu étranger et se sont mis à filer?
La Non-Coopération n’est pas un mouvement de vantardise, de fanfaronnade et de bluff. Elle sert à mettre notre sincérité à l’épreuve. Elle nous demande un sacrifice silencieux et ferme de nous-mêmes. Elle exige la preuve de notre loyauté et de notre capacité pour le travail national. C’est un mouvement qui cherche à mettre ses idées en action, et plus nous agissons plus nous nous apercevons qu’il y a bien plus à accomplir que nous ne pensions. Et ce sentiment de notre imperfection doit nous rendre humbles.
Un Non-Coopérateur s’efforce d’attirer l’attention et de donner l’exemple non par la violence mais par une humilité discrète. Il laisse à la solidité de ses actions le soin de faire apprécier sa foi. Sa force provient de ce qu’il compte sur la correction de son attitude, et il en convaincra d’autant plus son adversaire qu’il interposera moins de paroles entre ses actions et celui-ci. La parole, surtout lorsqu’elle est arrogante, trahit un manque d’assurance et rend l’adversaire sceptique sur la réalité de l’acte. L’humilité est donc la clé qui ouvre rapidement la porte au succès. J’espère que tout Non Coopérateur reconnaîtra la nécessité d’être humble et de savoir se contenir. C’est parce qu’il y a si peu à faire et que ce peu tout entier dépend de nous-mêmes que j’ai osé émettre l’opinion que nous aurons le Swaraj avant un an.
12 janvier 1921.