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La jeune Inde

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LA CONSTITUTION DU CONGRÈS

Le dernier Congrès a établi une Constitution, qui semble destinée à aboutir au Swaraj. Elle a pour but de s’assurer dans chaque partie de l’Inde un Comité représentatif agissant d’accord avec une organisation centrale à laquelle il se soumet volontairement: le Comité du Congrès de toute l’Inde. Elle établit le suffrage des adultes des deux sexes. Deux conditions seulement sont indispensables pour être électeur: avoir adhéré à la doctrine et payer une somme nominale de quatre annas. Elle veut s’assurer une représentation effective de tous les partis et de toutes les associations. Par conséquent cette constitution devrait être capable, si elle est organisée loyalement et si elle impose la confiance et le respect, de renverser le gouvernement. Celui-ci n’a aucun pouvoir en dehors de la coopération volontaire ou forcée du peuple. La force qu’il exerce c’est notre peuple qui la lui donne presque entièrement. Sans notre appui, 100.000 Européens ne pourraient même pas tenir la septième partie de nos villages, et il serait difficile à un seul homme, même s’il était présent, d’imposer sa volonté à, disons, quatre cents hommes et femmes, population moyenne d’un village indien.

La question que nous avons devant nous est par conséquent d’opposer notre volonté à celle du gouvernement ou en d’autres termes de lui retirer notre coopération. Si nous nous montrons fermes et unis dans notre intention le gouvernement sera forcé de plier devant notre volonté ou de disparaître. Pour consolider son pouvoir le gouvernement profite de ce qui cause les troubles. Lorsque nous sommes violents il a recours au terrorisme, lorsque nous sommes désunis il essaye de nous corrompre, lorsque nous sommes unis il cherche à nous attirer par des cajoleries et se montre conciliant, lorsque nous réclamons il met des tentations sur la route de celui qui crie le plus fort. Nous n’avons donc qu’à rester non-violents, unis et ne pas céder à la corruption ou aux cajoleries.

Une longue préparation n’est pas nécessaire pour qu’un peuple cultivé et intelligent l’accomplisse. Il n’est pas difficile de lui mettre entre les mains un but et un programme communs. Seulement il ne s’agit pas de parler mais d’agir et d’organiser. Je proposerais donc qu’on s’efforçât de réunir avant le 30 juin le nom d’au moins dix millions de membres dans le Congrès. Aucune inscription ne serait valable sans le payement des 4 annas et l’adhésion à la doctrine. Nous devons essayer d’obtenir l’adhésion de tous les adultes d’une même famille et mettre notre fierté à avoir sur nos listes autant de noms de femmes que de noms d’hommes. Nous devons nous efforcer de persuader à tous les Musulmans, à toutes les castes, à tous les artisans et à tous les parias de signer. Alors ce registre électoral sera le plus démocratique du monde entier.

Si les propositions que j’ai faites obtiennent l’assentiment général il faut concentrer nos efforts jusqu’au 30 Juin pour obtenir:

1o Dix millions de roupies pour le «fonds Tilak pour le Swaraj».

2o Dix millions de membres pour le registre électoral du Congrès.

3o L’introduction du rouet dans deux millions de familles.

Pour recueillir les noms de dix millions de membres, j’estime qu’il faudra que nous nous adressions au moins à deux millions de familles comptant au moins cinq personnes. Les travailleurs pour la cause peuvent certainement persuader aux familles des membres du Congrès de posséder un rouet chacune. Deux millions cinq cent mille rouets pour 21 provinces n’est pas une ambition tellement démesurée.

Ne gaspillons pas nos forces à réfléchir à trop de problèmes nationaux et à leurs solutions. Le malade qui essaye trop de remèdes à la fois meurt; un médecin qui expérimente sur son malade une combinaison de remèdes risque de perdre sa réputation et de passer pour un charlatan. Il est aussi nécessaire d’être chaste dans son travail que de l’être dans la vie; toute dissipation est mauvaise. Nous avons jusqu’à présent tiré chacun de notre côté et gaspillé de la façon la plus extravagante l’énergie nationale. Il est possible de boycotter le tissu étranger en une année. Il est aisé pour des travailleurs sincères de mettre en mouvement une organisation qui fonctionne. Si nous parvenons à recueillir, en nous y prenant avec méthode, dix millions de roupies nous ferons naître immédiatement la confiance; ce sera un témoignage tangible de notre détermination et de notre bonne foi.

Ce programme ne signifie point qu’il nous faille abandonner les autres activités de la Non-Coopération. Celles-ci se poursuivent. L’alcoolisme et l’intouchabilité doivent disparaître. Le mouvement pour l’éducation croît d’une façon régulière. Les institutions nationales qui ont pris naissance, si elles sont bien dirigées, continueront à s’étendre et attireront ceux des étudiants qui hésitent encore. Les avocats, classe toujours prudente et intéressée par éducation, suivront le mouvement dès qu’ils le verront progresser. Le boycottage des tribunaux par le public avance d’une façon satisfaisante. A l’heure actuelle ces divers points ne demandent plus qu’une concentration d’effort général. Ils se rapportent à des classes particulières. Mais les trois choses dont j’ai parlé sont les plus importantes. Il faut qu’on s’en occupe maintenant; sinon le mouvement en tant que mouvement des masses est condamné à un échec.

30 mars 1921

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